Au FPU 2019 : les transitions, de la volonté à la pérennité

Projets urbains
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Le 19ème Forum des projets urbains, organisé par le groupe Innovapresse, le 12 novembre à Paris, a largement exploré l’engagement des acteurs de la fabrique urbaine dans les transitions. Une première table ronde a mis "la transition à l’épreuve du terrain" : quel est l’impact de la transition écologique sur les pratiques de grands opérateurs ? Bas carbone, économie circulaire, biodiversité, matériaux biosourcés, efficacité énergétique, agriculture urbaine, etc. sont des notions désormais couramment maniées par les acteurs de l’immobilier et de l’aménagement.

Les innovations techniques existent, comme en témoigne Guillaume Flachat, directeur de l’action territoriale à EDF Collectivités, citant par exemple la récupération de la chaleur des eaux grises pour alimenter le réseau de chaleur de l’écoquartier Cap Azur à Roquebrune-Cap Martin (06). Elles peuvent même être déclinées très systématiquement à l’échelle d’un quartier, comme Smartseille, développé dans la cité phocéenne par le groupe Eiffage en mettant en œuvre les travaux de son laboratoire Phosphore.

Et l’engagement est clairement affirmé : dans les projets parisiens Hébert ou Ordener-Poissonniers, "nous passerons de fonciers entièrement minéraux à des quartiers bas carbone", annonce Fadia Karam, directrice générale d’Espace Ferroviaires. Mais quid de la vie de ces opérations dans le temps, au stade du fonctionnement ? Sur ce sujet, les opérateurs sont lucides. Fadia Karam : "quand nous allons partir, il faudra que la promesse se déploie, que les usages perdurent". Nicolas Gravit, directeur d’Eiffage Aménagement : "il nous faut trouver les bons 'passeurs’ pour que les services urbains de demain, imaginés par nos projets, trouvent la pérennité". Cela suppose d’identifier les bons "accompagnateurs", et d’effectuer un travail juridique et financier "essentiel" pour que des éléments de projets tels que les tiers-lieux ou l’agriculture urbaine trouvent leurs modèles économiques.

A Châtenay-Malabry, un projet laboratoire pour Eiffage Aménagement

L’écoquartier Lavallée, dans la Zac Parc centrale, à Châtenay-Malabry (92), est "un laboratoire pour Eiffage", explique Franck Faucheux, directeur de l’innovation du groupe, à l’occasion d’un atelier dédié au projet. Un laboratoire d’innovations, dans le domaine de l’économie circulaire, principalement. Aménageur du site de l’ancienne Ecole Normale, dans le cadre d’une Semop, depuis 2017, l’aménageur a voulu "pousser les curseurs", après l’expérience de Smartseille, sur l’OIN Euroméditerranée. Or, "nous avions la place, avec 20 ha, et le marché, avec 2 200 logements et 30 000 m2 tertiaires, pour tenter quelque chose". 

Les 120 000 tonnes de gravats de la déconstruction de l’Ecole ont été concassés pour être réutilisés sur place, en sous-couches de voiries, ce qui est classique, mais aussi en nouveaux bétons. "Avec des bilans carbone et financier positifs", précise Franck Faucheux : 600 T de carbone ainsi que 100 000 € ont été économisés. Eiffage Aménagement vient de commander la première centrale à bétons recyclés du groupe, annonce au passage le directeur de l’innovation. Il en est convaincu : l’enjeu est de "faire des chantiers de déconstruction les usines à béton de demain". Pour cela, il est indispensable d’exiger deux choses dans les attributions de marchés de démolition : "un diagnostic ressources et un démontage méthodique".

Sur Lavallée, c’est l’association Réavie qui a étudié et supervisé la déconstruction et la réutilisation des équipements, avec un bilan de 120 tonnes de matériel démonté, par des personnes en insertion. 60 tonnes de portes, tables, chaises, poignées, prises… ont pu être commercialisées ("à prix solidaire"), quand d’autres éléments ont été donnés, tels les sièges des historiques amphithéâtres de Normale Sup’, offerts à une école sénégalaise.

A Ivry,  économie circulaire et démarche artistique

"L’économie circulaire, c’est l’ADN du projet". Sandy Messaoui, directeur de projet à Grand Paris Aménagement, évoque ainsi l’idée fondatrice du projet d’intérêt régional du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) de Gagarine-Truillot, à Ivry-sur-Seine (94). En effet, le projet, intitulé Agrocité Gagarine-Truillot, et qui accueillera 1 430 logements (dont 30 % de logements locatifs sociaux) dans un quartier mixte sur lequel les premières livraisons sont prévues en 2022–2023, intègre la déconstruction de la cité Gagarine, emblématique ensemble architectural de près de 400 logements, symbole du logement populaire et du passé ouvrier de la ville, inaugurée en 1963 par le cosmonaute Youri Gagarine en personne.

"Nous sommes partis de l’idée qu’un chantier de déconstruction génère des ressources, avec un objectif de plus de 90 % de matériaux recyclés", explique l’aménageur. 30 000 tonnes de matériaux seront déconstruits, soit trois fois la tour Eiffel. 2 242 portes, douze blocs de boîtes aux lettres, 1 525 radiateurs, 300 dallettes béton ont fait l’objet d’une dépose soigneuse et ont été mis en vente sur une plateforme en ligne (www.backacia.com). "600 radiateurs en fonte ont déjà été vendus", se félicite Sandy Messaoui.

Une démarche artistique et culturelle a accompagné le chantier de déconstruction. "Les habitants sont très attachés au quartier", explique Aline Lunven, responsable de projets études à Grand Paris Aménagement. Un collectif de 150 Ivryens composé d’artistes, d’habitants, d’associatifs, d’écoliers et d’acteurs municipaux a investi 30 appartements de la barre Gagarine, sur sept étages d’une cage d’escalier. Ce parcours artistique, intitulé Le voyage de Gagarine, a réuni environ 3 000 visiteurs sur 20 jours d’ouverture. "Un réel succès auprès du public métropolitain, et ivryen en particulier", ajoute Aline Lunven, qui a permis aux habitants d’accomplir un travail de mémoire important sur un patrimoine fort en symbolique.

 

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